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PERSPECTIVES 2004
C'est
devenu une véritable colle que cet exercice annuel, pratiqué fin décembre, de
scruter l'année suivante. Et même un économiste chevronné doit se mettre en quatre.
scénarios, plus ou moins, pour trouver son chemin au milieu des incertitudes.
Alors que justement, les acteurs économiques ont horreur du flou.
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Prévisions des Agences Internationales |
Au cours des mois passés, diverses Agences Internationales spécialisées
en finance, risque-pays ou prévisions économiques ont donné leurs prévisions pour
l'année 2004 au Liban. En voici une petite synthèse : |
Source |
Indicateur |
Business Monitor International |
PIB Nominal
18,1 Mds $ |
Economist Instelligence Unit
Institute of International Finance
Business Monitor International
Merrill Lynch
- Scenario Pessimiste
- Scenario Optimiste |
Croissance
Réel du PIB
2,9 %
2,0 %
3,1 %
2,5 %
3,0 % |
Institute of International Finance |
Inflation
1,9 % |
Merrill Lynch
- Scenario Pessimiste
- Scenario Optimiste |
Taux d'intérêt moyen
6,1 %
5,3 % |
Economist Instelligence Unit |
Exportations FOB
1,3 Mds $ |
Economist Instelligence Unit |
Importations FOB
6,3 Mds $ |
Institute of International Finance |
Déficit de la balance
commerciale (%PIB)
24,5 % |
Institute of International Finance |
Dette Externe
18,5 Mds $ |
Institute of International Finance |
Dette Externe (%PIB)
94,5 % |
Institute of International Finance |
Dette Publique Brute
36,2 Mds $ |
Business Monitor International |
Dette Publiqu Nette
30,5 Mds $ |
Institute of International Finance |
Dette Publique Brute
(%PIB)
185,3 % |
Business Monitor International |
Dette Publique Nette
(%PIB)
168,2 % |
Institute of International Finance |
Recettes Publiques
(%PIB)
24,1 % |
Institute of International Finance |
Dépenses Publiques
(%PIB)
39 % |
Economist Instelligence Unit
Institute of International Finance |
Déficit budgétaire
(%PIB)
8,5 %
14,9 % |
Merrill Lynch
- Scenario Pessimiste
- Scenario Optimiste |
Balance Primaire
(%PIB)
3,5 %
4,5 % |
Business Monitor International |
Balance Courante
(%PIB)
7,5 % |
Business Monitor International |
Taux de Change (LL/$)
1450 |
Merrill Lynch
- Scenario Pessimiste
- Scenario Optimiste |
Revenus des
privatisations /
titrisations
0,6 Mds $
2,5 Mds $ |
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Comment prévoir les perspectives économiques de l'année 2004
dans des conditions politiques aussi instables, tant au niveau régional que local
? Conflit israélo-arabe et Irak d'un côté et élections présidentielles de l'autre.
Tiraillés comme jamais auparavant, les Libanais, perplexes, se posent des questions
quant aux conditions futures de leur vie quotidienne. Une réédition de l'enjeu
relationnel entre le politique et l'économique. Bilan 2003
Les résultats déjà réalisés, ou constatés, en 2003 pèsent bien sûr sur les perspectives
de 2004. De quelle façon ? À la lumière de la conférence Paris II et des engagements
étatiques y relatifs, l'année 2003 a été en gros, pour le Liban, un "demi-succès",
que certains n'hésitent pas à qualifier de "demi-échec".
Finalement, le scénario catastrophe annoncé en 2002 a été évité, du moins à court
terme. Les indicateurs confirment une certaine amélioration au niveau des rouages
de l'économie réelle. Après un tassement des taux de croissance à des niveaux
planchers (entre 0 et 1,5 %) durant les trois dernières années, le taux de croissance
de 2003 est censé atteindre 2,5 %, ou même 3 %. Cette amélioration s'est illustrée
à divers égards : . Hausse sensible des exportations industrielles.
. Augmentation importante du nombre de touristes et de leurs dépenses. .
Accroissement tangible du bilan consolidé des banques et notamment du total des
dépôts (près de 14 % en glissement annuel sur les neuf premiers mois). .
Stabilité du taux de change de la livre libanaise, quoique à un niveau élevé malgré
la baisse des taux d'intérêt. . Et stabilité des prix à la consommation,
avec un taux d'inflation de 3-4 %. La poire en deux
Au niveau des finances publiques, ce "demi-succès/demi-échec" est retentissant.
Les initiatives prises par les pays donateurs, l'Association des banques et la
Banque du Liban ont permis d'alléger le service de la dette de 900 millions $,
selon le gouverneur de la Banque du Liban.
Ces différentes initiatives ont dégagé, en 2003, un excédent primaire d'environ
1 000 milliards LL (au lieu des 1 400 milliards LL prévus par le projet de budget
2003). Donc des indicateurs plutôt positifs, mais qui ne doivent pas dissiper
les craintes liées au taux de déficit budgétaire pour 2003, autour de 40 %, au
lieu des 26 % prévus. D'autres craintes sont liées au service de la dette, qui
est censé atteindre, fin 2003, quelque 4 800 milliards LL (selon le ministre des
Finances) ou 4 950 milliards LL (selon le gouverneur de la BDL) contre 4 000 milliards
LL prévus par le projet de budget 2003 (mais 5 800 milliards LL prévus avant la
tenue de la conférence Paris II).
Donc, à ce niveau, les promesses libanaises de Paris II n'ont pas été bien respectées.
Ni au niveau des privatisations, des titrisations et de la restructuration administrative.
D'ailleurs, ce "demi/demi" est visible au niveau des évaluations du risque souverain
publiées par les sociétés internationales de rating. La notation du risque Liban,
qui s'était relativement améliorée au cours du premier trimestre 2003, a eu tendance,
par la suite, à se stabiliser ou à baisser selon les différentes sources, surtout
au niveau du long terme. Des milieux bancaires tendent de minimiser l'effet de
telles notations, en invoquant que notre dette extérieure. n'est pas effectivement
extérieure, puisqu'elle est souscrite en majorité par les banques libanaises et
investisseurs arabes. Perspectives 2004
Le défi principal consiste, en 2004, à réduire les implications économiques, financières
et monétaires d'un environnement politique peu propice. En matière de taux de
croissance, le Liban s'est engagé, au cours de la conférence Paris II, à réaliser
un taux de 3 % en 2004. La tenue de cet engagement, antérieur à l'éclatement de
la crise irakienne, dépendra : . De la résultante des points de force et
de faiblesse qui seront dégagés au niveau de l'économie réelle en 2003. .
Des répercussions de la crise irakienne sur l'ensemble des économies de la région.
L'Irak, en tant que partenaire principal de l'économie libanaise, ne pourra pas
remplir sa fonction traditionnelle en 2004. De leur côté, les pays du Golfe, traumatisés
par l'évolution de la situation irakienne, ne sont pas censés prendre la relève.
Toutefois, du fait même de ce traumatisme, le Liban pourra éventuellement profiter
d'un certain flux de capitaux provenant de ces pays, notamment sous forme d'investissements
directs dans plusieurs secteurs, comme le foncier et le touristique. Ce qui constitue
une tendance de fond, puisque le Liban avait déjà attiré des investissements de
l'ordre de 650 millions $, en 2002, soit le n° 2 parmi les pays arabes (selon
l'Institut arabe de garantie des investissements).
Cependant, les conditions actuelles de l'économie libanaise ne permettent pas
de trop miser sur une relance de la croissance, étant donné la persistance des
facteurs de blocage structurels : lourdeur de l'appareil étatique et administratif,
faiblesse des politiques sectorielles, distorsion des structures de prix, effets
pervers - du moins à court terme - du processus de libéralisation sur les secteurs
de production, coût élevé des dissensions politiques. Bonnes recettes
Mais malgré ces facteurs de blocage, le maintien et le développement de certaines
initiatives gouvernementales pourront tempérer la gravité de la situation. Il
s'agit spécifiquement des initiatives suivantes : . Les lignes de crédit
accordées aux secteurs productifs (bonification des taux d'intérêt par la BDL,
Kafalat.). . Le projet de modernisation industrielle lancé par l'Union européenne.
. Les projets de développement social parrainés par la Banque mondiale et
l'UE. . L'accélération du plan triennal du CDR. . Le début de la mise
en application du schéma directeur de l'aménagement du territoire. . Et surtout
le projet de rééchelonnement des mauvaises créances du secteur privé.
Ce dernier projet permettra de libérer potentiellement environ 5 milliards $,
représentant le montant estimé des mauvaises créances qui concernent près de 35
000 agents économiques. Parmi ce lot, 5 à 10 000 sont censés, après avoir régularisé
leur situation, emprunter à des taux relativement abordables et investir à nouveau,
selon le gouverneur de la BDL. Ce qui contribuera aussi à assainir les bilans
des banques et à augmenter les taux de croissance. Malheureusement, ce schéma
reste tributaire de nombreux aléas tant politiques qu'économiques. Trois
dossiers prioritaires
En matière de finances publiques, la situation, telle que présentée par le projet
de budget 2004, ne semble guère réjouissante. Malgré la persistance de la dynamique
engendrée par Paris II et la consolidation de l'excédent primaire en 2004, le
taux de déficit officiellement prévu (28 à 32 % selon les scénarios liés à la
privatisation) ne paraît pas réaliste. Et l'on doit s'attendre à des niveaux nettement
supérieurs comme ceci a toujours été le cas dans les exercices budgétaires antérieurs.
Trois dossiers majeurs auront un impact sur la réalisation des objectifs du projet
de budget 2004 : . Le premier dossier se réfère à l'évolution des taux d'intérêt.
La BDL a bien créé une commission chargée d'étudier la structure des taux d'intérêt
et de les orienter, par les mécanismes du marché, vers des niveaux propices à
la croissance de l'économie. Mais une telle initiative n'est pas une garantie
en elle-même. Malgré les promesses du gouverneur de la Banque centrale de baisser
à 10 %, en 2004, le taux d'intérêt débiteur moyen et pondéré au secteur privé
(à l'exception des crédits à la consommation). Or, une des conditions principales
de la relance de l'économie et de l'allègement du service de la dette réside,
sans aucun doute, dans la concrétisation de cette baisse. Et c'est là l'un des
enjeux déterminants de l'année 2004. . Le second dossier concerne l'aptitude
du pouvoir d'achat des Libanais à supporter le montant - et la structure - des
prélèvements fiscaux actuels. Il est vrai que le taux d'inflation est relativement
faible, mais le cumul de l'inflation depuis 1997, sans aucun ajustement des salaires,
a finalement érodé une bonne partie de ce pouvoir d'achat. Au cours de la période
1997-2003, les recettes publiques (y compris fiscales) sont passées d'environ
15 à 22 % du PIB, exerçant une ponction significative sur le revenu disponible
des ménages. Cette même période a été marquée par un accroissement du taux de
chômage (de 8 à plus de 12 %) et par l'exacerbation du phénomène de pauvreté,
selon les études récemment publiées par l'Union européenne et la Banque mondiale.
. Le troisième dossier concerne l'augmentation spectaculaire de l'endettement
du secteur privé. Ce secteur a de plus en plus de difficultés à supporter l'incidence
fiscale ; et même si le poids de la fiscalité directe apparaît peu élevé, ce poids
devient inabordable lorsqu'il s'ajoute à d'autres fiscalités (TVA, taxes et impôts
indirects) et d'autres coûts (ceux des services publics).
Force est de constater qu'en moins de 10 ans, entre 1994 et 2003, l'endettement
du secteur privé est passé d'environ 40 à 80 % du PIB.
Dans le meilleur des cas, l'année 2004 sera pareille à celle qui s'achève - toutes
choses égales par ailleurs. Que ce soit au niveau macroéconomique ou financier.
Les sociétés internationales de notation ne prévoient pas à court terme de scénarios
catastrophes, étant donné les flux de capitaux qui ont été enregistrés en 2003.
Ces flux ont accordé au pays un certain répit - pas plus -, en permettant la reconstitution
des réserves de la BDL et la consolidation du bilan des banques. Il reste, cependant,
encore beaucoup à faire. Beyrouth,13Janvier2004
Kamal Hamdan
Le Commerce
du Levant
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